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L’année du jardinier de Karel Capek

Samedi 31 janvier 2015

En cette période de l’année où le jardinier ronge son frein dans l’attente de jours meilleurs pour reprendre son activité frénétique, voilà de quoi lui rendre le sourire avec l’ Année du jardinier de Karel Capek. C’est volontairement que je n’utiliserai pas le terme de jardinière, terme désignant un vulgaire pot de fleurs, et qui en aucun cas ne saurait s’appliquer aux jardiniers de sexe féminin parmi les quels je me range. Par conséquent je m’en tiendrai au terme général de jardinier et je referme cette parenthèse.

Qu’on ne s’y trompe pas, car si le titre du livre peut porter à confusion, l’ Année du jardinier n’est pas un almanach ennuyeux décrivant mois par mois les tâches parfois fastidieuses qui attendent le jardinier mais une réflexion humoristique sur cet étrange bipède qui passe la majeure partie de son temps de loisir enfoui dans le sol. Qu’il soit adepte de potager, de fleurs, de rocailles, de cactus ou collectionneur, tout jardinier  reconnaitra dans ce portrait ses manies, ses angoisses et aussi ses bonheurs. Du début à la fin c’est une franche rigolade et nous en prenons tous pour notre grade. Je ne voudrais pas gâcher le plaisir de la découverte mais je ne peux m’empêcher d’évoquer quelques uns des moments les plus hilarants de ce livre. Parmi les passages qui pourraient être cités comme faisant partie de l’anthologie de l’humour jardinesque, si je puis me permettre cette expression, figure celui consacré à l’étude de la topographie botanique et décrivant la flore des gares, celles de chemins de fer, des boucheries, des restaurants, des bureaux, des cimetières, des fenêtres, j’en passe et des meilleures. Autre moment d’anthologie, le départ en villégiature du jardinier qui confie la surveillance de son précieux domaine à un ami et ne cesse pendant toute la durée de son séjour  de lui envoyer des courriers, l’accablant chaque jour de nouvelles tâches à effectuer au jardin, pour finalement lui reprocher à son retour de vacances d’avoir saccagé son jardin par manque de soin, car il faut le savoir, même lorsqu’il est en vacances, le jardinier ne quitte jamais vraiment son jardin.

Mais au delà de l’humour se dévoile au fil des pages une réflexion plus profonde sur la prise de conscience qu’éveille en nous la pratique du jardinage, celle  d’ appartenir au vaste monde du vivant et qui modifie notre rapport habituel au temps, nous faisant pénétrer dans celui de la nature, qui n’est non pas rythmé par le calendrier des hommes mais par celui du cycle des saisons. Je terminerai par cette citation qui résume bien l’esprit du livre.

” Nous ne voyons pas les germes parce qu’ils sont sous la terre; nous ne connaissons pas l’avenir parce qu’il est en nous. Parfois il nous semble que nous sentons la pourriture, encombrés que nous sommes de vestiges desséchés du passé; mais si nous pouvions voir tous les rejets gros et blancs qui se frayent un chemin à travers cette vieille terre de civilisation qui s’appelle “aujourd’hui”, toutes les graines qui germent en secret, tous les vieux plants qui se rassemblent et se ramassent pour former un germe vivant, qui un jour éclatera pour créer une fleur vivante, si nous pouvions voir ce fourmillement caché de l’avenir au milieu de nous, il est sûr que nous dirions que notre mélancolie et notre scepticisme sont de grandes sottises et que le meilleur de tout, c’est d’être un homme vivant, je veux dire un homme qui croît.”