Archive pour avril 2009

Stratégies adaptatives chez les fougères

Dimanche 26 avril 2009

Pour répondre à la question posée par un lecteur sur les stratégies adoptées par les fougères pour s’adapter à leur environnement, voici quelques exemples.

Concernant les différences entre les différents types de rhizomes, il est difficile de dire pourquoi telle fougère possède un rhizome érigé, tandis que telle autre possède un rhizome rampant. En revanche, ce qui est certain, c’est que de posséder un rhizome rampant long et ramifié permet à la plante d’agrandir son territoire, au point d’évincer toute concurrence végétale si on prend l’exemple extrême de la fougère aigle. Le rhizome est peut-être la partie la plus importante de la fougère puisqu’il renferme la zone de croissance, le méristème. Dans le cas d’un rhizome érigé, ce point de croissance est situé au centre du rhizome, alors que si le rhizome est rampant le point de croissance est situé à l’extrémité. Certains botanistes qualifient un rhizome érigé de caudex. Si le caudex est massif et présente une croissance verticale, comme dans le cas des fougères arborescentes, il peut alors être appellé un tronc. Mais les deux termes de caudex et de tronc sont couramment appliqués à tous les rhizomes présentant une croissance verticale. L’avantage pour une fougère d’avoir un port arborescent semble être de pouvoir se rapprocher de la lumière.

La reproduction des fougères qui repose sur l’alternance des générations est une entreprise hasardeuse car les conditions requises pour la fertilisation ne sont pas toujours réunies, ce qui explique pourquoi il est rare d’observer des prothalles dans la nature. Pour contourner ces difficultés, certaines fougères ont élaboré des stratégies de reproduction asexuée. Les deux principales sont la reproduction végétative et l’apogamie. L’apogamie a déjà été expliquée ici, je ne reviendrai donc pas dessus. La reproduction végétative peut se faire de façon ‘classique’ comme chez d’autres types de plantes, au moyen de l’émission de stolons. L’exemple le plus connu est celui de la fougère aigle, Pteridium aquilinum, qui doit à ce moyen de reproduction son incroyable succès écologique, à un tel point que par le passé on avait sérieusement émis l’hypothèse que toutes les plantes devaient provenir d’un même et unique pied. La reproduction végétative par bulbilles est plus originale. Dans le cas du Cystopteris bulbifera, ces bulbilles semblables à de petits pois sont capables de germer quand elles tombent sur le sol et de donner directement naissance à de nouvelles fougères. Mais chez la plupart des espèces de fougères bulbifères, les bulbilles restent accrochées sur la fronde et s’enracinent progressivement quand la fronde âgée et déclinante vient à toucher le sol. En voici quelques exemples: Asplenium bulbiferum, Woodwardia orientalis, Tectaria gemmifera.

L’iridescence du feuillage se rencontre chez quelques espèces de fougères et de sélaginelles tropicales, par exemple Trichomanes elegans et Selaginella willdenowii, qui vivent dans des forêts particulièrement obscures. On estime que dans ce type d’habitat seulement 1% de la lumière du soleil parvient jusqu’au sol et on suppose que l’iridescence est bénéfique aux plantes dans le sens où elle doit améliorer la photosynthèse.

C’est ce même besoin de lumière qui est à l’origine de l’épiphytisme rencontré surtout chez les espèces tropicales, dont la célèbre fougère nid d’oiseau ( Asplenium nidus)  constitue l’exemple le plus connu.

Les fougères des habitats arides, dites xérophytes, ont développé différents moyens pour se protéger du dessèchement et retenir au mieux l’humidité . Il peut s’agir d’un revêtement de soies, d’écailles ou encore d’un enduit poudreux. Certaines espèces peuvent même se recroqueviller complètement sous l’effet de la sécheresse pour mieux se protéger, elles paraissent alors mortes, mais reprennent leur aspect normal dès le retour de l’humidité. Ce phénomène, observable chez le Cetarach officinarum et les Cheilanthes, est appellé reviviscence. Il est particulièrement spectaculaire chez une sélaginelle, Selaginella lepidophylla, justement surnommée plante de la résurrection, puisqu’elle peut survivre plusieurs années sans eau.

Pour approfondir ces questions, je vous conseille l’ouvrage de Robbin C.Moran  A Natural History of Ferns.

Phyllitis japonica Komarov subsp. americana

Samedi 25 avril 2009

Cette plante m’a été vendue par une pépinière allemande sous le nom de Asplenium scolopendrium var. japonica.

Le problème est qu’on ne trouve aucune trace de cette variété dans les livres, même dans le Fern Grower’s Manual. Par contre dans cet ouvrage est mentionné Phyllitis scolopendrium var.americana Fernald , équivalent  nord américain de la variété européenne, et qui a également pour synonyme  Phyllitis japonica Komarov subsp. americana ou encore Asplenium scolopendrium var. americanum.

Les populations américaine et asiatique possèdent le double de chromosomes par rapport à leurs congénères européennes.

La variété americana qui possède des frondes plus courtes que celles de la variété européenne et dont les sores sont disposés dans la partie supérieure du limbe est réputée de culture difficile. Il semblerait que les plantes cultivées et distribuées appartiennent à l’espèce européenne.

J’ai donc quelques doutes quant à l’authenticité de ma plante.

Athyrium filix-femina subsp.angustum f.rubellum ‘Lady in Red’

Samedi 18 avril 2009

Cette variante  nord-américaine de notre fougère femelle est soit considérée comme étant une variété d’Athyrium filix-femina, elle est alors proposée sous le nom d’Athyrium filix-femina var.angustum, soit elle est considérée comme étant une espèce à part entière et proposée alors sous le nom d’Athyrium angustum.

Certaines plantes possèdent des stipes verts, tandis que celles dont les stipes sont rougeâtres appartiennent à la forme rubellum.

Le cultivar ‘ Lady in Red ‘ qui appartient à la forme rubellum se distingue par la couleur rouge particulièrement prononcée de ses stipes.

Enfin en principe… car ici cette teinte est au mieux rosâtre, probablement parce que en zone 8b nous nous situons dans la partie haute  de sa zone de rusticité qui va  la zone 2 à la zone 9. Autrement dit nos hivers ne sont pas assez froids pour favoriser l’apparition de cette teinte rouge des stipes au printemps.

En effet ce cultivar a été découvert par un membre de la  New England Wild Flower Society , John Lynch, dans le Vermont dont le rude climat continental n’a rien à voir avec celui de la Touraine.

Les -10° de cet hiver n’ont pas été suffisants, mais ce n’est pas pour autant que je souhaite -20°  l’hiver prochain pour assister à ce spectacle !

Je pense que pour les jardins situés en climat de montagne, ce doit être une plante intéressante.

La Collection de Thanadej Chandradibya

Mardi 14 avril 2009

Thanadej Chandradibya qui habite en Thaïlande et collectionne les fougères depuis trois ans m’a envoyé quelques photos et gentiment accordé l’autorisation de les publier.

Ce sont pour la plupart d’entre elles des variétés  ou des cultivars peu connus en France. Ses plantes sont cultivées en extérieur, luxe que nous ne nous pouvons pas nous offrir ici ! Elles proviennent principalement des Philippines, de Thaïlande, d’Indonésie et du Japon.

Commençons par le genre ASPLENIUM

La plante qui m’a le plus étonnée est un Asplenium nidus ‘ variegated ‘

Cette plante provient du Japon et la panachure serait le résultat d’une radiation. La plante originale qui a été découverte dans une forêt a donné naissance par semis de spores à une descendance fidèle à la plante mère, permettent ainsi sa commercialisation.

Toute une série de cultivars d’ Asplenium nidus dont la dénomination n’est pas précise, avec des frondes étroites et des marges lobées ou fimbriées.

D’autres cultivars d’Asplenium nidus, peut-être de la variété plicatum, avec des limbes ondulés à plissés

Un autre Asplenium nidus très spectaculaire avec des frondes crêtées ( il ressemble à ‘ Monstrifera’)

Un autre cultivar d’Asplenium nidus au développement miniature

Un cultivar d’Asplenium nidus très prisé en Thaïlande ‘ Philippines ‘

Enfin une espèce originaire du Japon, Asplenium kenzoï

Passons maintenant au genre MICROSORUM

Une collection de cultivars de Microsorum punctatum qui ne sont pas tous clairement dénommés.

Remarquer au passage les pots qui sont percés sur le pourtour et par conséquent parfaitement adaptés à la culture d’espèces épiphytes comme le Microsorum punctatum. Dommage que ce type de poterie soit si difficile à trouver chez nous…

Microsorum punctatum ‘ Mermaid Tail ‘

Différents cultivars de Microsorum punctatum

Microsorum whiteheadii

Microsorum siamensis

Colysis elliptica f.crispa-variegata

Platycerium holttumii

Enfin une vue d’ensemble de la collection de Thanadej Chandradibya. Les anglo-saxons appellent ce type de construction destiné à protéger les plantes lathe-house, shade house ou encore bush-house. L’objectif principal est de tempérer l’ardeur de l’ensoleillement sous les climats tropicaux, mais également de réduire l’impact du vent, tout en favorisant une bonne aération ainsi qu’une humidité de l’air plus importante qu’à l’extérieur. L’atmosphère ainsi recréée est favorable aux fougères.

THANK YOU SO MUCH THANADEJ !

Athyrium niponicum ‘ Ursula’s Red ‘

Samedi 11 avril 2009

J’avoue avoir un (gros) faible pour les feuillages  colorés des heuchères, malheureusement j’ai beaucoup de mal à les associer avec les fleurs parce que le résultat devient franchement trop artificiel.

L’association avec les fougères donne d’excellents résultats, d’une part parce que ce sont des plantes qui requièrent les mêmes besoins culturaux, à savoir une terre humifère et fraîche ainsi qu’une exposition lumineuse sans être brûlante, mais aussi parce que les fougères tempèrent  et mettent en valeur leurs couleurs vives.

La fougère encore jeune présentée ici, un Athyrium niponicum ‘ Ursula’s Red ‘ reprend les teintes vertes, pourpres et argentées de l’ Heuchera ‘ Velvet Night ‘, le tout accompagné par un Ophiopogon planiscapus ‘Nigrescens’.

Il est à noter que les frondes qui naissent  d’une teinte  bordeaux passent rapidement à ce camaïeu de teintes.

Microsorum scolopendrium

Samedi 4 avril 2009

Microsorum scolopendrium (ou encore Phymatosorus scolopendria de son ancien nom)  est une fougère d’intérieur facile à vivre qui demande une bonne luminosité. De par sa nature épiphyte elle apprécie les substrats grossiers et drainants.

Elle se prête bien à une culture en suspension ou en panier ajouré où ses longs rhizomes rampants pourront prendre racine sur le pourtour du contenant jusqu’à former une sphère de feuillage à la façon d’un Davallia.

Le feuillage agréablement parfumé quand on le froisse rappelle les notes de fond des grands classiques de Guerlain. Rien d’étonnant à cela puisque ses feuilles renferment de la coumarine qui lui donne cette délicieuse odeur de foin coupé, de vanille et d’amande.

Appelée Laua’e par les Hawaïens, cette espèce est largement cultivée dans les jardins et utilisée à des fins médicinales ainsi que pour parfumer le linge.

Le parfum est beaucoup plus prononcé sur les frondes sèches. J’ai d’ailleurs remarqué que lorsque la plante commençait à manquer d’eau, le parfum devenait nettement plus perceptible dans la pièce, signe qu’il est grand temps d’arroser.