Archive pour la catégorie ‘Livres’

Sensation Jardin: le jardin comme on l’aime

Samedi 5 septembre 2015

Un nouveau magazine jardin est né.  Ce web magazine Sensation Jardin se définit comme le magazine qui vous raconte des histoires. Mais entendons nous bien, pas des salades …

L’objet de ce magazine n’est pas comme celui de ses confrères plus traditionnels de nous enseigner la technique du jardinage.  Ses rubriques se proposent de nous  faire rêver, en partant à la découverte de lieux et de leurs jardiniers, ainsi que des plantes, qu’elles soient sauvageonnes ou domestiquées.

L’écriture savoureuse et les sublimes photos se dégustent avidement. On en redemande et on attend la suite avec impatience !

L’année du jardinier de Karel Capek

Samedi 31 janvier 2015

En cette période de l’année où le jardinier ronge son frein dans l’attente de jours meilleurs pour reprendre son activité frénétique, voilà de quoi lui rendre le sourire avec l’ Année du jardinier de Karel Capek. C’est volontairement que je n’utiliserai pas le terme de jardinière, terme désignant un vulgaire pot de fleurs, et qui en aucun cas ne saurait s’appliquer aux jardiniers de sexe féminin parmi les quels je me range. Par conséquent je m’en tiendrai au terme général de jardinier et je referme cette parenthèse.

Qu’on ne s’y trompe pas, car si le titre du livre peut porter à confusion, l’ Année du jardinier n’est pas un almanach ennuyeux décrivant mois par mois les tâches parfois fastidieuses qui attendent le jardinier mais une réflexion humoristique sur cet étrange bipède qui passe la majeure partie de son temps de loisir enfoui dans le sol. Qu’il soit adepte de potager, de fleurs, de rocailles, de cactus ou collectionneur, tout jardinier  reconnaitra dans ce portrait ses manies, ses angoisses et aussi ses bonheurs. Du début à la fin c’est une franche rigolade et nous en prenons tous pour notre grade. Je ne voudrais pas gâcher le plaisir de la découverte mais je ne peux m’empêcher d’évoquer quelques uns des moments les plus hilarants de ce livre. Parmi les passages qui pourraient être cités comme faisant partie de l’anthologie de l’humour jardinesque, si je puis me permettre cette expression, figure celui consacré à l’étude de la topographie botanique et décrivant la flore des gares, celles de chemins de fer, des boucheries, des restaurants, des bureaux, des cimetières, des fenêtres, j’en passe et des meilleures. Autre moment d’anthologie, le départ en villégiature du jardinier qui confie la surveillance de son précieux domaine à un ami et ne cesse pendant toute la durée de son séjour  de lui envoyer des courriers, l’accablant chaque jour de nouvelles tâches à effectuer au jardin, pour finalement lui reprocher à son retour de vacances d’avoir saccagé son jardin par manque de soin, car il faut le savoir, même lorsqu’il est en vacances, le jardinier ne quitte jamais vraiment son jardin.

Mais au delà de l’humour se dévoile au fil des pages une réflexion plus profonde sur la prise de conscience qu’éveille en nous la pratique du jardinage, celle  d’ appartenir au vaste monde du vivant et qui modifie notre rapport habituel au temps, nous faisant pénétrer dans celui de la nature, qui n’est non pas rythmé par le calendrier des hommes mais par celui du cycle des saisons. Je terminerai par cette citation qui résume bien l’esprit du livre.

” Nous ne voyons pas les germes parce qu’ils sont sous la terre; nous ne connaissons pas l’avenir parce qu’il est en nous. Parfois il nous semble que nous sentons la pourriture, encombrés que nous sommes de vestiges desséchés du passé; mais si nous pouvions voir tous les rejets gros et blancs qui se frayent un chemin à travers cette vieille terre de civilisation qui s’appelle “aujourd’hui”, toutes les graines qui germent en secret, tous les vieux plants qui se rassemblent et se ramassent pour former un germe vivant, qui un jour éclatera pour créer une fleur vivante, si nous pouvions voir ce fourmillement caché de l’avenir au milieu de nous, il est sûr que nous dirions que notre mélancolie et notre scepticisme sont de grandes sottises et que le meilleur de tout, c’est d’être un homme vivant, je veux dire un homme qui croît.”

Pour un nouvel exotisme au jardin de Jean-Michel Groult

Samedi 23 novembre 2013

Il y avait  longtemps que je n’ avais pas présenté un livre et celui-ci est un vrai coup de coeur. Parmi la jungle de tous les ouvrages qui paraissent sur le jardinage et les plantes, bien peu présentent un véritable intérêt. Ce n’ est pas le cas de cet ouvrage de Jean Michel Groult, Pour un nouvel exotisme au jardin, qui suscite une profonde réflexion sur notre relation aux végétaux exotiques, au jardin et plus globalement au monde.

Cet attrait pour l’ exotisme dont on peut supposer qu’ il n’ est pas inné en nous remonte à la fin du Moyen Age avec les premières explorations. Si la quête de l’ ailleurs, de l’ exotisme qui selon Bertrand Levy  ‘présuppose une dose de confiance, de bienveillance et de curiosité pour l’ autre et le différent’ a permis à l’ Europe de s’ ouvrir sur le reste du monde, la noblesse de la démarche a vite cédé le pas à la rapacité face à des intérêts commerciaux évidents, au pillage systématique des richesses nouvellement découvertes, puis à la colonisation qui s’en est ensuivie.

Loin des clichés touristiques la plante exotique traîne un lourd passé derrière elle.

La découverte de nouveaux horizons a fait évoluer notre conception du jardin. Du jardin médiéval enclos, renfermé sur lui-même, l’ hortus conclusus, nous sommes passés au jardin cosmopolite où se côtoient des plantes originaires de tous les continents, une invitation au voyage immobile. Les plantes exotiques qui dans le passé étaient réservées à une élite fortunée se sont démocratisées et sont à présent accessibles à tous. Cet engouement a malheureusement pour conséquence le risque de raréfaction pour certaines espèces prélevées dans la nature car leur développement trop lent les rendraient trop couteuses à produire en culture, on pensera par exemple aux plantes à caudex. L’ introduction de plantes exotiques  peut également faire encourir un danger pour nos espèces indigènes au cas où elles viendraient à s’ échapper des  jardins et à se montrer invasives.

Face à ces enjeux écologiques quel est l’ avenir des plantes exotiques dans nos jardins ?  Cette quête passionnée et parfois déraisonnable quand elle traduit par le déploiement de moyens disproportionnés pour maintenir péniblement en vie certaines exotiques en dépit d’ un climat manifestement défavorable est-elle tenable à long terme ? Et puis ne risque t-on pas d’ assister à une standardisation des jardins dont le déjà classique trio palmier phormium et olivier est un funeste présage ? Trop d’ exotisme tue l’ exotisme et au train où vont les choses la présence d’ un noisetier ou d’ un sureau dans nos jardins fera bientôt  figure d’ incongruité. Déjà dans les jardineries, les végétaux considérés comme gélifs représentent la moitié des plantes mises en vente, ce qui est proprement ahurissant dans un pays au climat tempéré. Pourtant il existe quantité de plantes pouvant être qualifiées d’ exotiques en raison de leur origine géographique éloignée qui se montrent rustiques sous notre climat.

Ceci signifie t-il pour autant que nous devions renoncer au jardin exotique parce qu’il serait un luxe trop couteux au regard de notre environnement ? Non car notre besoin de rêve et d’ évasion seront toujours plus forts, mais le jardin exotique de demain sera forcément différent. Pour découvrir les 7 chemins imaginés par Jean Michel groult qui y mènent, je vous invite à lire ce livre passionnant et rempli d’ humour.

Native Ferns Moss & Grasses

Dimanche 9 novembre 2008

Un livre de jardinage rassemblant les fougères, les mousses et les graminées, en voilà une bonne idée !

Mais un pari risqué comme l’explique William Cullina qui est directeur de recherche pour la New England Wild Flower Society et l’auteur de Natives Ferns, Moss & Grasses.

Le livre ouvre sur une surprenante introduction où il explique que nous sommes irrésistiblement attirés par les couleurs vives. Ainsi chaque semaine lorsqu’il fait ses courses dans son supermarché local, il est toujours ébahi devant les emballages, tous plus racoleurs les uns que les autres, au rayon des détergents.

Dans la Nature il en va de même qu’au supermarché, où les fleurs pollinisées par les insectes sont judicieusement conçues de façon à attirer l’attention de leurs émissaires ailés. D’où le déploiement de multiples stratégies, couleurs, parfums et même leurres sexuels pour se démarquer de la concurrence des autres plantes.

Mais les fougères, les mousses et les graminées n’ont nul besoin d’insectes pollinisateurs pour se reproduire. En conséquence, elles ont évolué en privilégiant la photosynthèse au détriment de la production de fleurs. Petite parenthèse, même si les graminées fleurissent, cette floraison insignifiante n’a pas pour but d’attirer les insectes pollinisateurs car c’est le vent qui assure le transport du pollen.

En entreprenant ce livre, William Cullina craignait que pour le public des jardiniers, tous ces végétaux dépourvus de fleurs attirantes ne soient à l’image des détergents basiques, certes pratiques et fonctionnels, mais certainement pas vendeurs.

Au lieu de chercher à excuser cette absence de couleur, il a pris le parti inverse de célébrer la verdure de ces plantes remarquables qui ne devraient manquer dans aucun jardin.

Bien que nous ayons tendance à nous focaliser sur la couleur, ce sont la forme et la texture qui créent l’espace et lui donnent le ton et l’ambiance.

D’une certaine façon, la couleur est une sucrerie pour l’oeil, tandis que la texture et la forme sont comme les féculents et les protéines, riches, plus complexes et durables.

C’est une image certes insolite mais très parlante.

Le livre est divisé en 4 grandes parties : les fougères et plantes alliées, les mousses, les graminées ( incluant les carex et les joncs qui ne sont pas, botaniquement parlant, des graminées ) et enfin la propagation.

Il regorge d’informations intéressantes sur les notions de plantes natives et de plantes invasives, sur les effets probables du réchauffement climatique sur la flore, et les besoins culturaux des plantes.

Le ton alerte et plein d’humour fait qu’on se laisse facilement emporter par ce vibrant plaidoyer qui réhabilite des plantes trop longtemps ignorées par les jardiniers.

British Ferns and their varieties de Charles T. Druery (suite)

Dimanche 20 avril 2008

Charles Druery a obtenu plusieurs plantes remarquables qui semblent malheureusement disparues aujourd’hui.

L’une des plus étonnantes est certainement Athyrium filix-femina ‘Plumosum superbum percristatum Drueryi’. Le nom à lui seul est déjà tout un programme !

Athyrium filix-femina ‘Plumosum superbum percristatum Drueryi’ possédait des frondes presque circulaires, crestées jusqu’au quatrième degré.

D’après la description qu’en fit Charles Druery, l’apex de la fronde présentait une division terminale très distinctement crestée, les pennes portaient à leur extrémité une houppe évasée, les pinnules étaient elles aussi terminées par une houppe en forme d’éventail, jusqu’aux segments terminaux des pinnules qui étaient eux mêmes crestés avec des bords dentés .

Ci dessus un des sujets de Athyrium filix-femina ‘Plumosum superbum percristatum Druery’ obtenu par Charles Druery.

Autre plante remarquable obtenue par Charles Druery, Polystichum aculeatum gracillimum cristulatum.

En 1876, avait été découverte dans le Devon par un certain Bevis, une forme exceptionnelle de Polystichum qu’on nomma Polystichum aculeatum ‘Pulcherrimum Bevis’. On sait à présent qu’il ne s’agissait pas d’une forme particulière de Polystichum aculeatum, mais bien d’un Polystichum setiferum. C’est le célèbre Polystichum setiferum ‘Plumosum Bevis’ que nous connaissons. Cette fougère était réputée stérile jusqu’à ce qu’un exemplaire cultivé par le Docteur Green montre une fronde fertile avec 1 ou 2 sporanges. Le Docteur Green partagea les précieux spores avec Charles Druery. Après le semis, c’était en 1900, le Docteur Green obtint une plante très différente de la plante mère, beaucoup plus finement découpée, qui fut nommée Polystichum aculeatum gracillimum ( le nom correct est aujourd’hui Polystichum setiferum ‘Plumosum Green’). De son côté, la même année, Charles Druery obtint une seconde plante, elle aussi différente, qui fut nommée Polystichum aculeatum ‘Pulcherrimum Drueryi’ (le nom correct est aujourd’hui Polystichum setiferum ‘Plumosum Druery’) et cette forme merveilleuse de finesse qu’il nomma Polystichum aculeatum gracillimum cristulatum.

Ces deux exemples montrent avec quelle rapidité peuvent intervenir les variations chez les fougères, parfois en l’espace d’une seule génération.

British Ferns and their varieties de Charles T. Druery

Mercredi 9 avril 2008

Charles T. Druery ( 1843 – 1917 ) a été un collectionneur obtenteur talentueux et l’auteur de plusieurs ouvrages sur les fougères.

Sa collection de plantes était l’une des meilleures jamais réunie, malheureusement beaucoup d’entre elles ne sont pas parvenues jusqu’à nous.

Son livre, British Ferns and their varieties , paru chez George Routledge en 1910, décrit avec précision les nombreuses variations observées chez les espèces natives des îles Britanniques.

Sans que l’on puisse clairement expliquer pourquoi, il a été découvert en Grande Bretagne des formes sauvages de fougères présentant des variations importantes par rapport aux espèces types connues.

Ces variations fort nombreuses portent le plus souvent sur la forme de la fronde, son degré de division très accentué, la présence de fourches ou de houppes à l’extrémité des frondes ou des pennes, le caractère nanifié ou congesté des frondes, les bords modifiés des frondes et des pennes ou encore la présence de bulbilles.

Après avoir été qualifiées d’anomalies ou de monstruosités par les botanistes, les plantes présentant ces variations ont finalement été reconnues comme étant des formes ou des variétés des espèces types, puisque leurs caractéristiques pouvaient être transmises à leur descendance par le semis de spores, mettant ainsi en évidence la nature génétique et non pas accidentelle de ces mutations.

Un aperçu de la collection de Charles Druery. A l’exception d’un Woodwardia radicans que l’on devine au fond, toutes ces fougères sont originaires de Grande Bretagne.

A suivre …

Oaxaca Journal de Oliver Sacks

Vendredi 28 mars 2008

Oliver Sacks est un neurologue New-Yorkais, passionné de fougères et membre de l’American Fern Society.

En 2000, il part au Mexique, dans la région d’Oaxaca, pour une excursion botanique, en compagnie d’autres membres de l’AFS, venus des quatre coins des Etats Unis.

Qu’ils soient botanistes professionnels comme John T. Mickell, Robbin C. Moran et Barbara Joe Hoshizaki ou simples amateurs, tous partagent le même amour pour les fougères et le monde végétal.

A la façon des botanistes du XIX° siècle, Oliver Sacks décide de tenir un journal de cette expédition.

La région d’Oaxaca abrite la flore la plus riche du Mexique et on y répertorie plus de 700 espèces de fougères, des espèces xérophytes qui se sont adaptées à l’extrême sécheresse de la vallée centrale désertique, aux espèces arborescentes qui peuplent la forêt pluviale d’altitude.

Bien plus qu’un simple récit de voyage botanique, ce journal relate la complicité entre des personnes venues de divers horizons et unies par une passion commune, la botanique.

Tour à tour, on les voit risquer leur vie pour collecter un spécimen intéressant au dessus d’un précipice, crapahuter dans la montagne et le désert, découvrir des plantes n’ayant pas encore été décrites, portés par un enthousiasme contagieux.

Oliver Sacks nous fait également découvrir la richesse de la culture zapotèque à travers ses vestiges et les villages, miraculeusement préservés, qui semblent avoir conservé un mode de vie très proche de celui de l’époque pré-colombienne.

Un bien beau voyage.