Archive pour la catégorie ‘Ethnobotanique’

Une créature mi-végétale mi-animale

Vendredi 4 juillet 2008

Dans son ouvrage Popular history of British Ferns Thomas Moore rapporte la légende de l’agneau Scythe ou agneau Tartare.

D’après les récits qu’en ont fait les voyageurs, il existe à l’ouest de la Volga une plaine salée, non cultivée, et de vaste étendue où pousse une plante merveilleuse. Elle possède la forme et l’apparence d’un agneau, avec des pattes, une tête et une queue distinctement formés, et sa peau est recouverte d’un doux duvet.

Cet ‘agneau’ pousse sur une tige de 3 pieds de haut (environ 90 cm), la partie qui le soutient ressemblant à une sorte de nombril.

La créature bouge et s’incline vers l’herbage qui lui sert de nourriture. Quand l’herbe vient à manquer, elle se dessèche et dépérit.

Selon Thomas Moore la plante de cette légende est certainement le Cibotium glaucescens, dont le nom actuel est Cibotium barometz, une fougère arborescente dont le rhizome est recouvert d’une épaisse couche de soies brillantes et dorées et dont les rachis portent des soies à l’aspect laineux.

On sait à présent que cette légende trouve son origine au Moyen Age dans les récits d’un voyageur, Jehan de Mandeville ou John Mandeville.

Robbin C.Moran, responsable des fougères au New York Botanical Garden,qui a étudié ses récits n’hésite pas à traiter John Mandeville de ‘grand voyageur et menteur’. Et il y a de quoi, jugez un peu…

Mandeville dans le récit de sa visite au Grand Khan des Tatars dit avoir découvert un arbre portant de petits agneaux contenus dans des cosses et dont les branches ployaient pour leur permettre de brouter l’herbe !!!???

La légende prit de l’ampleur jusqu’à ce que la réalité soit rétablie par les botanistes à la fin du XVIII° siècle, les agneaux en question étant finalement une partie du tronc d’une fougère arborescente, le Cibotium barometz.

Les légendes tiennent parfois à bien peu de choses.

Vase réalisé dans un tronc de Cyathea medullaris (artisanat Maori)

Vendredi 20 juin 2008

Le Cyathea medullaris, appelé Mamaku ponga par les Maoris, est la plus grande des nombreuses espèces de fougères arborescentes présentes en Nouvelle Zélande.

On le trouve également aux Iles Fidji et en Polynésie.

Sa croissance est rapide et peut atteindre une hauteur de 20 mètres avec des frondes de 6 mètres.

La partie centrale du tronc renferme une réserve d’hydrates de carbone pour la plante qui est aussi une source de nourriture pour l’homme car c’est une matière féculente. Elle est consommée par les Maoris et son goût est, parait-il, proche de celui de la noix de coco.

Le tronc est destiné à de nombreux usages utilitaires et ornementaux. Une fois l’écorce extérieure et la masse de racines fibreuses retirées, les motifs formés par le système vasculaire du tronc sont bien visibles ainsi que la marque de la base des anciennes frondes.

L’opération de tournage en objets décoratifs, tels que vases et boîtes, est rendue difficile par l’extrême dureté du bois. Afin d’assurer l’étanchéité du vase une plaque de métal est fixée dans le fond.

Polystichum munitum

Samedi 23 février 2008

La Colombie britannique et la région de Vancouver bénéficient d’un climat particulièrement humide, à l’origine d’une flore spécifique. La forêt côtière de type pluvial tempéré abrite des arbres au développement majestueux, en majorité des conifères, Tsuga heterophylla, Tsuga mertensiana, Thuja plicata et Pseudotsuga menziesii.

Les troncs énormes, recouverts de mousse et sur lesquels poussent des fougères évoquent la végétation exubérante des forêts tropicales humides. Pourtant nous sommes bien en zone tempérée, ce qui fait de cette région un site unique et exceptionnel où par endroits, la forêt est restée telle qu’à l’origine.

Ces forêts de conifères sont le royaume de l’Aspidie armée (Polystichum munitum) qui peut recouvrir de vastes étendues sous ce climat humide favorable et dans l’humus acide qui résulte de la lente décomposition des aiguilles. Elle y atteint un développement important, presque à hauteur d’homme, parfois jusqu’à plus d’1m50.

Il a été rapporté par un ethnobotaniste que les tribus qui peuplaient la région avant l’arrivée des européens occupaient leurs enfants à un petit jeu que voici. Il s’agissait, tout en retenant sa respiration, de compter à haute voix le nombre de pennes sur une fronde de Polystichum munitum de haut en bas. Si l’enfant reprenait son souffle avant d’avoir terminé le compte, le défi était perdu et à recommencer. En sachant qu’une fronde peut comporter jusqu’à 50 paires de pennes, on peut deviner que les enfants pouvaient rester occupés à ce jeu pendant un bon moment !

De la pteridomanie à la pteridophobie ( suite )

Samedi 23 février 2008

Il est assez difficile de trouver des objets ornementés de fougères.

J’ai déniché cette tasse à thé avec sa soucoupe assortie. Le dessin n’est pas d’une grande finesse mais c’est déjà un début !

De la ptéridomanie à la ptéridophobie

Mardi 12 février 2008

Pendant des siècles, les fougères n’ont pas été cultivées dans les jardins. Certes elles étaient réputées pour leurs diverses utilisations médicinales, mais on se contentait de les récolter dans leur habitat naturel.

Il faudra attendre la publication en 1845 de l’ouvrage de Neuman British Ferns qui répertoriait les espèces natives de Grande Bretagne ainsi que les noms des localités où elles avaient été découvertes, pour qu’on commence enfin à s’y intéresser.

La ptéridomanie ou l’engouement de la société Victorienne pour les fougères atteignit son apogée entre 1860 et 1870 avec la publication de nombreux ouvrages sur le sujet et la création de pépinières spécialisées.

La chasse aux fougères devint une activité sociale en vogue. Chaque dimanche après-midi gentlemen et ladies parcouraient la campagne anglaise et les forêts à la recherche d’espèces ou de variétés non encore connues. Les ladies, car les femmes étaient nombreuses, ramenaient de pleins paniers de fougères qu’elles replantaient dans leurs jardins, ou à l’intérieur des maisons, dans des terrariums.

Nombre de variétés de fougères que nous connaissons encore aujourd’hui portent le nom de leur découvreur. Asplenium scolopendrium ‘Drummondiae’, Athyrium filix-femina ‘Frizelliae’, Dryopteris filix-mas ‘Bollandiae’ et le célèbre Polystichum setiferum ‘Bevis’ sont quelques témoins de cette époque révolue. Malgré ces prélèvements inconsidérés, fort heureusement aucune espèce en Grande Bretagne ne s’est éteinte depuis le début de leur recensement.

La folie des fougères s’empara d’autres aspects de la vie quotidienne, en particulier dans le domaine de l’ornementation, où elle devint un motif très représenté. On retrouve des motifs de fougères dans l’architecture de cette époque comme ornement de façades, d’églises (St Michael’s Church dans le Devon) ou même de pierres tombales. Les arts décoratifs en firent également un grand usage pour décorer les objets du quotidien : poterie, céramique, verrerie, vaisselle, argenterie , tableaux, ébénisterie et même travaux d’aiguille.

La ptéridomanie a même fait l’objet d’une étude avec l’ouvrage de David Allen paru en 1965 The Victorian Fern Craze.

A signaler également le Musée du Nord du Devon expose une intéressante collection d’objets de cette époque.

L’année 1891 vit la naissance de la North of England Pteridological Society, qui l’année suivante prit le nom de British Pteridological Society. Cette société centenaire est toujours aussi active.

A l’extrême opposé de la ptéridomanie, la ptéridophobie. A vrai dire, jusqu’à une époque récente, je n’en soupçonnais même pas l’existence. Comme son nom l’indique c’est une phobie liée aux fougères. A quelles frayeurs sous-jacentes est-elle liée ?

Un ptéridophobe célèbre, Sigmünd Freud, avait une peur morbide des fougères.