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Le collectionneur de l’ombre

Samedi 20 juin 2015

Le Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire a décidé pour cette édition 2015 de mettre en avant la diversité végétale en choisissant pour thème “Jardins extraordinaires, jardins de collection”. Pour me rendre régulièrement à Chaumont depuis quelques années, je peux dire que le cru 2015 est une vraie réussite, dans le sens où cette année le végétal est particulièrement mis à l’honneur, ce qui n’a pas toujours été le cas. Mais avec un jury présidé par Patrick Blanc, la botanique était bien défendue !
De la diversité végétale il y en a pour tous les goûts. Certains visiteurs seront attirés par les couleurs flamboyantes des collections de bougainvillées et de pélargoniums, d’autres par l’exotisme des palmiers, d’autres encore par l’étrangeté du monde des plantes carnivores. Mais à côté de ces collections de plantes spectaculaires, il y en a d’autres consacrées à des plantes plus modestes, si modestes que nous passons souvent à côté d’elles, sans même leur prêter attention, quand nous ne les traitons pas d’indésirables. Parmi ces illustres inconnues, j’ai particulièrement apprécié les collections de trèfles, de mousses et bien sûr de fougères. Car oui en effet, les fougères bien représentées sur l’ensemble des jardins, sont les vedettes de l’un d’entre eux. Ce jardin qui porte le numéro 24 s’intitule Le Collectionneur de l’ Ombre.

L’histoire de ce jardin est celle d’une cargaison de fougères, en provenance des quatre coins de la planète, qui ne sera jamais récupérée par son destinataire. Le personnel de l’aéroport pensant avoir à faire à une précieuse collection de plantes rares,commandée par un collectionneur ou un botaniste, va stocker les caisses sur des rails métalliques, en attendant que le destinataire vienne récupérer la marchandise. Mais le temps passe, et peu à peu, la nature reprenant ses droits, les plantes vont chercher à s’échapper des caisses malmenées pendant le transport.
Dès l’entrée du jardin, le visiteur est prévenu, il pénètre dans le royaume des fougères, accueilli par sa majesté Dicksonia antarctica


Dicksonia antarctica

Un peu plus loin Cyathea cooperi


Cyathea cooperi

La zone de marécage avec dans le fond une grosse souche d’ Osmunda regalis


Osmunda regalis

Gros plan sur un gros sujet de Blechnum tabulare, qui au vu de la taille du stipe doit être bien âgé. Noter le système d’irrigation retenu pour la maintenance du jardin.


Blechnum tabulare

Un magnifique sujet de Cibotium glaucum dont le revers des frondes à l’étonnante teinte bleutée ressemble à s’y méprendre à celui de Lophosoria quadripinnata. D’ailleurs je me suis laissée prendre au piège !


Cibotium glaucum

Clair obscur sur fronde de Niphidium crassifolium



Niphidium crassifolium

Gros plan sur une épiphyte, Aglaomorpha coronans



Aglaomorpha coronans

Structure métallique et caisses éventrées, la nature reprend ses droits dans ce milieu hostile qu’est le tarmac d’un aéroport


Jeune fronde de Woodwardia orientalis. Noter le soin minutieux apporté à l’étiquetage, joliment réalisé.


Woodwardia orientalis

Exemple de variégation chez les fougères, Coniogramme emeiensis


Coniogramme emeiensis

Jeux d’ombre et de lumière obtenus par les ombrières, les toiles tendues et ultime raffinement, la tôle perforée avec un motif de fronde de fougère


Un grand merci aux créateurs de ce jardin, Yves Philippot et Antoine Ruellan, ainsi qu’à toute l’équipe de bénévoles qui a oeuvré à sa réalisation.



Dicksonia antarctica

Samedi 21 mars 2015

Dicksonia antarctica

Cet article sera consacré non pas à la description d’une espèce, Dicksonia antarctica, qui de par son immense popularité est abondamment décrite, mais à sa conservation et au choix de son implantation au jardin.

Il faut avant tout rappeler que même si Dicksonia antarctica est à juste titre réputée pour être la fougère arborescente la plus résistante au froid, pouvant  ainsi être cultivée sous notre climat tempéré, elle ne saurait être considérée comme étant entièrement rustique. Les hivers 2010 et 2012 sont venus nous ramener à cette triste réalité et nombre d’entre elles ont subi de gros dommages ou ont été anéanties.

Il ne s’agit pas pour autant de renoncer à leur culture mais de réfléchir avant d’en acquérir une, de façon à mettre toutes les chances de son côté. Une plante est un organisme vivant et non pas un objet de décoration que l’on va placer au gré de ses fantaisies. Il est bien évident que leur maintien dans des régions où les conditions climatiques sont par trop éloignées de leur habitat d’origine, que ce soit en termes de température ou d’humidité, ne pourra se faire qu’avec le recours à des artifices. La protection contre le froid sera assurée par la construction au dessus de la plante d’un abri  avec recours éventuel à un cordon chauffant, tandis qu’on remédiera au manque d’humidité dans les régions soumises aux étés secs par l’installation d’un goutte-à-goutte. Personnellement je ne suis pas une adepte de ces artifices  qui enlaidissent le jardin et font des plantes  des éternelles assistées. Je préfère les voir évoluer le plus naturellement possible, tout en restant prête à  intervenir quand les conditions deviennent trop extrêmes, je ne suis pas une marâtre non plus!

Ici Dicksonia antarctica ne fait pas l’objet d’une protection hivernale systématique, ni d’un arrosage continu pendant l’été. Mais pour pouvoir y arriver, il faut avant tout avoir soigneusement étudié les caractéristiques de son emplacement car chaque détail compte. Le plus important pour le choix du lieu de plantation est qu’il mette le plus possible la plante à l’abri des variations extrêmes de température et d’humidité, et surtout à l’abri du vent dont l’action amplifie les effets du froid et de la sécheresse. Tout cela est une affaire de bon sens mais qui ne va pas toujours de soi. J’ai ainsi le souvenir de la propriétaire d’un magnifique jardin qui m’a dit avoir renoncé à cultiver Dicksonia antarctica après l’avoir perdue au cours d’un hiver rigoureux parce qu’elle la trouvait trop frileuse. Il faut préciser qu’elle avait été plantée en plein milieu du jardin, sur une butte, et que de surcroît elle n’avait eu aucune protection. Dans de pareilles conditions, doit-on vraiment s’étonner du résultat ?

Mais revenons à ces petits détails qui vont faire toute la différence. Dicksonia antarctica supportera une exposition ensoleillée qui peut être bénéfique pendant les mois d’hiver dans la moitié nord de la France, mais il est bien évident que dans la moitié sud une exposition ombragée va s’imposer. Les branches et le feuillage, persistant ou non, d’arbres ou d’arbustes fourniront une canopée protectrice contre le froid et l’ensoleillement. Les murs et les espaces dallés permettent d’emmaganiser de la chaleur au cours de la journée qui sera restituée pendant la nuit. La protection d’un bâtiment permet de gagner de précieux degrés. Chaque détail compte, et ceux-ci cumulés permettent de créer un micro climat favorable.

L’emplacement retenu ici est plein nord, toujours plus frais de quelques degrés que le reste du jardin, même en période de canicule.  C’est d’ailleurs là que les mouches viennent chercher la fraîcheur l’été, ce qui constitue un bon indicateur. Dicksonia antarctica, plantée tout près du mur, bénéficie des calories perdues par le bâtiment. Celui-ci comporte une avancée de toit qui constitue une protection supplémentaire, mais pas au point d’empêcher la pluie d’atteindre le sol. Tout ceci permet au feuillage de rester intact jusqu’à -5, -6°. Au delà de ces températures j’enveloppe la plante au moyen d’une housse zippée et en posant un vieil oreiller sur le méristème pour le protéger. Comme j’habite dans un environnement urbain protégé, cela reste très ponctuel et peu contraignant, et surtout ne nuit pas à l’esthétique du jardin. On notera la différence entre les frondes de la saison passée et les nouvelles qui sont plus claires. Certaines personnes coupent systématiquement les anciennes frondes à l’émergence des nouvelles, voire même avant l’hivernage, mais je préfère les laisser sur la plante et ne les couper que lorsqu’elles sont fanées et ceci pour deux raisons. D’abord parce qu’elles constituent une protection non négligeable contre le foid pendant l’hiver, et ensuite parce qu’elles servent à alimenter la plante pendant la croissance des nouvelles frondes. Dans son habitat d’origine Dicksonia antarctica se comporte en persistante, il n’y a donc aucune raison pour lui infliger ce traitement cruel qui consiste à lui couper toutes ses frondes.

Les fougères arborescentes de Terra Botanica

Samedi 30 août 2014

J’ai récemment visité Terra Botanica bien que jusque là le côté parc d’attraction me rebutait un peu et me laissait craindre une déception, mais ce ne fut pas le cas. L’équilibre entre les attentes des amateurs de plantes, parmi lesquels je me range, et celles du public plus généraliste des parcs d’attractions me semble atteint, et qui sait peut-être cette visite fera-t elle germer des vocations jardinières auprès du plus jeune public.

La partie la plus spectaculaire du parc qui se situe dans la section du Jardin Mystérieux est celle consacrée aux origines de la vie. Les fougères arborescentes y occupent évidemment une place de choix. Bien sûr quand il est question de fougères je suis de parti pris, mais les réactions d’étonnement des visiteurs confortaient cette impression.

Voici l’entrée des Origines de la Vie

Origines de la vie 1

On notera à gauche la reproduction d’un fossile qui ressemble à une forme géante d’  Equisetum



Origines de la vie 2

Le système de brumisation qui permet de rafraîchir l’atmosphère est aussi là pour évoquer le climat chaud et humide dans lequel baignait la végétation à l’ époque du Carbonifère.

Dicksonia antarctica 1

Des sujets de Dicksonia antarctica de toutes tailles

Dicksonia antarctica 2

On notera le faible développement, voire le déclin chez les sujets les plus âgés atteignant une hauteur d’environ 5 à 6 mètres ce qui correspond à un âge vénérable, peut-être une centaine d’ années.

Dicksonia antarctica 3

Il est fort probable que ces sujets aient été frappés de plein fouet par la vague de froid de février 2012. Protéger des plantes atteignant une telle hauteur relève de l’acrobatie. On notera également que l’emplacement est loin d’ être idéal. Faute de couvert végétal, il se trouve exposé en plein soleil, ce à quoi une brumisation continue ne remédie que partiellement. Les sujets les plus jeunes ayant un tronc moins haut s’en sont mieux sortis et ils bénéficient de plus de la protection offerte par les bambous.

De ces observations on peut tirer quelques enseignements sur le choix d’un emplacement approprié pour réussir au mieux la culture de Dicksonia antarctica :

- Choisir un emplacement ombragé. Les sujets importés proviennent généralement de forêts exploitées pour le bois, le plus souvent de l’eucalyptus. Bien que tolérant le soleil, Dicksonia antarctica aura naturellement une croissance plus luxuriante à un emplacement frais et ombragé. Le manque d’ humidité se traduit par des frondes de plus en plus courtes au fil des années. A défaut d’arbre pouvant fournir de l’ombrage, l’ombre portée par un bâtiment convient parfaitement, à condition toutefois que le sol ne soit pas trop sec.

- Eviter les emplacements venteux. Outre le fait que le vent peut abîmer les frondes, il ne faut pas négliger son effet desséchant, même en l’absence de soleil

En résumé Dicksonia antarctica apprécie les emplacements confortables  maintenus à l’écart des variations brutales de température et d’humidité pour donner le meilleur d’elle même.