Articles taggés avec ‘Athyrium filix-femina’

Couper les frondes des fougères

Samedi 26 avril 2014

On m’a plusieurs fois posé la question de savoir s’il fallait oui ou non couper les anciennes frondes des fougères. S’il est difficile d’apporter une réponse définitive à cette question, chaque jardinier forgeant sa propre expérience en fonction des plantes qu’il cultive et du lieu et du climat où il se trouve, il est tout de même possible de dégager des éléments de réponse qui dérivent de l’observation et du bon sens et non simplement de considérations purement esthétiques.

La question ne se pose évidemment pas pour les fougères à feuillage caduc, généralement originaires des zones tempérées, comme par exemple Athyrium filix-femina, qui en perdant leur feuillage à l’automne font preuve d’une adaptation naturelle au froid. Pour celles dont le feuillage est sempervirent, c’est-à-dire qu’au lieu de se dessécher en début d’hiver il persiste d’une saison sur l’autre pour prendre l’ exemple de Polystichum setiferum, voire même plusieurs années dans le cas d’ Asplenium ceterach, on peut penser que la persistance du feuillage a  pour raison d’être la protection de la couronne pendant l’hiver. Il ne faut donc pas couper les frondes à l’automne et les laisser en place jusqu’au printemps. Si l’hiver a été doux et exempt de chutes de neige qui ont pour résultat de briser les stipes par leur poids, les frondes de l’année précédente peuvent être conservées tant qu’elles sont en bon état et contribuent à alimenter la plante. En revanche si elles sont très abimées, on pourra les couper et les débiter en tronçons qu’on laissera autour du pied sous forme de mulch.

A cela on pourra objecter que dans la nature les plantes doivent se débrouiller seules et qu’il n’y a pas un jardinier dévoué derrière chacune d’entre elles. Mais seulement voilà, le jardin n’est pas la nature et nous cultivons dans nos jardins des plantes qui sans notre intervention et nos soins constants ne se seraient jamais introduites et maintenues, sans même parler des plantes originaires d’autres continents et d’autres climats que le notre. C’est là qu’intervient l’expérience personnelle du jardinier et je vais y apporter ma petite contribution. Comme j’ai pu le constater sur plusieurs années, les fougères sont très sensibles à la sécheresse printanière. A la limite si elles devaient manquer d’eau pendant la saison de croissance, il vaudrait mieux que ce soit pendant l’été qu’au cours du printemps. Si le printemps est exceptionnellement sec comme c’est le cas cette année, il faut arroser sinon les crosses qui se déroulent très vite en cette saison risquent d’avoir un développement incomplet, voire même d’avorter, phénomène que j’ai surnommé la momification des frondes, Dryopteris erythrosora y semblant particulièrement sujette, la croissance stoppe alors et la fronde noircit.

Pour remédier à ce problème, et c’est là que j’en reviens au sujet initial, il vaut mieux en cas de sécheresse printanière couper les frondes de l’année précédente, de façon à ce que la plante puisse consacrer toutes ses ressources à alimenter les frondes en cours de développement. Quand le printemps est normalement pluvieux ou dans les régions où les précipitations sont habituellement abondantes, le feuillage de la saison passée peut tout à fait être conservé et il se délitera naturellement en cours de saison.

Fougères au Pays Basque

Dimanche 4 septembre 2011

Avec un nombre de 61 espèces sur un total de 116 répertoriées sur l’ensemble du territoire français, les Pyrénées Atlantiques apparaissent comme l’un des départements les plus riches en Ptéridophytes.
Les facteurs qui vont conditionner l’implantation de ces plantes sont pour une part liés au climat, et de l’autre liés aux conditions écologiques locales.
Dès lors on comprendra aisément que le Pays Basque avec un climat océanique doux et humide qui se traduit par un faible nombre de jours de gel pendant l’année, une pluviométrie assez importante et une bonne humidité atmosphérique, se montre favorable au développement des fougères.
Si on ajoute à ces facteurs climatiques des conditions écologiques variées, liées à la proximité de l’océan et de la montagne, on peut s’attendre à une certaine richesse en espèces.

Je vous propose donc de partir à la rencontre de quelques fougères dans leur habitat naturel, présentation qui n’a bien sûr rien d’exhaustif, et qui se limite à ce que j’ai pu observer lors de mes promenades entre Anglet et la forêt d’ Urrugne.

Comment ne pas commencer par l’omniprésente, et il faut bien le dire lassante fougère aigle, Pteridium aquilinum, qui avec les bruyères et les ajoncs, nous accompagne tout le long de la route des vacances depuis le département des Landes ? La voici prise dans la forêt d’ Urrugne où sur ces sols siliceux elle règne en maîtresse incontestée. Si les peuplements tendent à être plus clairsemés en sous bois, ils sont beaucoup plus denses avec des frondes plus grandes sur les flancs de collines dépourvus d’arbres car la fougère aigle recherche la lumière. Par le passé elle était récoltée pour servir de litière aux animaux.
Pteridium aquilinum

Passons à des choses plus intéressantes avec les palmiers qui sont présents dans presque tous les jardins, en particulier l’espèce  Phoenix canariensis . En se rapprochant on s’aperçoit que leur tronc recèlent quelques surprises. En effet à la base des anciens stipes de la matière organique s’accumule. En présence d’une bonne humidité la germination des spores est assurée et l’ambiance tropicale garantie ! Voici un exemplaire de Cyrtomium falcatum qui, rappelons le est une fougère originaire de l’Asie du Sud Est. Les spores proviennent probablement d’une plante présente dans le voisinage. D’après l’ouvrage de Rémi Prelli , Fougères et Plantes alliées de France et d’Europe Occidentale, elle semblerait en expansion sur  le littoral basque, sa présence ici n’a donc rien de surprenant.
Cyrtomium falcatum

Sur le même tronc, un peu plus bas on notera la présence un peu inattendue de Asplenium adiantum-nigrum que l’on est plus habitué à voir coloniser les murs , ce qui atteste  de son adaptabilité à des situations écologiques variées.
Asplenium adiantum-nigrum

Sur le tronc d’un autre palmier, un beau trio comportant Dryopteris affinis à gauche, Asplenium scolopendrium à droite et Dryopteris dilatata en bas.



Dryopteris affinis, Asplenium scolopendrium, Dryopteris dilatata

Changeons d’habitat pour nous intéresser aux murs et aux petites fougères saxicoles qui les habitent.

La rue des murailles, Asplenium ruta-muraria, semble assez fréquente au Pays Basque. Elle se développe principalement en milieu calcaire et ce joint de mortier lui convient parfaitement.

Asplenium ruta-muraria

La capillaire des murailles, Asplenium trichomanes, affectionne les vieux murs, comme ici sur l’église d’Arcangues.
Asplenium trichomanes

Revoici  Asplenium adiantum – nigrum dans une fissure de mur.
Asplenium adiantum-nigrum

En bord de mer, sur les falaises comme ici à Anglet, on peut admirer d’importants peuplements de la délicate capillaire de Montpellier, Adiantum capillus-veneris.
Adiantum capillus-veneris

Un écoulement permanent d’eau  apporte la fraîcheur et l’humidité qui  sont indispensables à son établissement. Ce filet d’eau que je pensais provenir d’une source était en réalité  un écoulement d’eaux usées comme l’attestait la présence d’une canalisation située plus en hauteur ! Mais les plantes ne semblaient apparemment pas en souffrir.

Quelques plans plus rapprochés
Adiantum capillus-veneris

Ici en compagnie de la prêle
Adiantum capillus-veneris

Toujours à Anglet, mais cette fois ci sur un talus le long d’un ruisseau, dans des conditions très humides et ombragées, en écartant les branchages on découvre Asplenium scolopendrium dont la présence témoigne d’un sol plus ou moins calcaire.



Asplenium scolopendrium

Retournons dans la forêt d’ Urrugne découvrir d’autres fougères que la fougère aigle. Témoin d’un sol siliceux dépourvu de calcaire, Blechnum spicant, est très présent ici, poussant le long des fossés dans une terre très argileuse et détrempée. J’ai été assez surprise de  voir cette fougère  se plaire à ce point dans de l’argile presque pure alors que dans ma terre très humifère  et neutre elle  se comporte mal et dépérit, je comprends mieux à présent la cause de cet échec !
Blechnum spicant

Dryopteris dilatata sur un talus. A noter qu’il s’agit aussi d’une espèce appréciant les sols acides.
Dryopteris dilatata

Toujours au même endroit, une espèce de sol modérément acide qui recherche les lieux humides et ombragés, la fougère femelle, Athyrium filix-femina.
Athyrium filix-femina

Toujours en bordure de fossé dans une terre fortement argileuse et détrempée pousse l’osmonde royale, Osmunda regalis , qui s’avère être aussi une espèce de sol acide. A noter en arrière plan l’abondance de jeunes fougères.
Osmuda regalis

Une concentration exceptionnelle de prothalles  au milieu des hépatiques. Les hépatiques  appartiennent au groupe des  bryophytes qui possèdent un mode de reproduction sexué  assez similaire à celui des ptéridophytes et lui aussi dépendant d’une certaine humidité.
prothalles

Enfin terminons par le spectacle inattendu de ces polypodes perchés sur les chênes.
Polypodes

La distinction entre Polypodium vulgare et Polypodium interjectum s’avère parfois difficile et requiert l’examen microscopique des spores. Toutefois Polypodium vulgare se distingue de Polypodium interjectum par des frondes de forme plus linéaire et étroite, alors qu’elles sont de forme plus ovale chez ce dernier, et des sores plus petits, tandis qu’ils sont plus gros et de forme plus allongée chez Polypodium interjectum. Il semblerait que les deux espèces soient présentes dans la forêt d’ Urrugne.

Ici nous sommes probablement en présence de Polypodium interjectum avec des frondes de forme nettement ovale et de gros sores.
Polypodium interjectum

Ce mode de vie épiphyte n’est pas sans rappeler certains polypodes tropicaux.
polypode épiphyte

Curieusement je n’ai vu aucun polypode poussant au sol, sur les talus  ou entre les roches dans la forêt d’ Urrugne. Il faut croire que ce mode de vie leur est particulièrement favorable. En tout cas il les met à l’abri de la concurrence des autres végétaux et du bétail, vaches et chevaux, qui se déplace  librement dans la forêt.

Ce que l’on peut retenir de tout cela, c’est que la présence d’une plante à un emplacement donné n’est jamais due au hasard, mais au contraire liée à de multiples facteurs dont le jardinier devra tenir compte afin  de mettre toutes les chances de réussite  de son côté.