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Fougères de la Gourgue d’ Asque

Samedi 29 août 2015

Cet été je suis allée en Amazonie. Non je plaisante, je veux parler de la ‘Petite Amazonie’, celle des Pyrénées. Cette vallée située dans la forêt des Hautes Baronnies doit son surnom de Petite Amazonie à son hygrométrie exceptionnellement élevée qui a permis le développement d’une végétation luxuriante, et bien sûr très riche en fougères. L’ Arros y coule au milieu d’une vallée encaissée entre deux barrières rocheuses. Le nom occitan de Gourgue d’ Asque désigne cette gorge qui résulte de l’érosion de la roche calcaire.
Avant d’arriver à la Gourgue, un aperçu du paysage avec l’inévitable peuplement de fougère aigle, Pteridium aquilinum, qui pousse toujours comme ici à découvert.

Pteridium aquilinum

Sur le talus de la route, Asplenium ceterach pousse entre les pierres et en plein soleil, en vraie thermophile.

Asplenium ceterach

La rivière Arros avec un aperçu de la forte nébulosité du site.

rivière Arros

Sur les ruines de l’ancienne scierie, un groupe d’Asplenium scolopendrium qui semble bien apprécier le mortier et la pierre calcaire. Pour rappel Asplenium scolopendrium se développe mal dans les sols acides et préfère les substrats calcaires.

Asplenium scolopendrium

Fréquentant le même type d’habitat, Asplenium trichomanes.

Asplenium trichomanes

Les ruines de l’ancienne scierie. J’adore cette association du métal rouillé avec la végétation, symbole de l’éphémérité des constructions humaines.

scierie

Cette scierie avait la particularité de fonctionner avec la force du courant de l’ Arros.

scierie Arros

Grâce au ruissellement continu de l’eau, ce mur est entièrement végétalisé.

mur végétalisé

Encore plus fort, Asplenium scolopendrium pousse directement sur une cornière métallique ! C’est peut-être là, l’un des rares cas d’ Asplenium scolopendrium se comportant en épiphyte. Ce miracle est rendu possible par la présence de mousse, et surtout de la très forte humidité ambiante. Les fougères savent se contenter de peu.

Asplenium scolopendrium épiphyte

Asplenium scolopendrium ne dédaigne pas non plus le talus calcaire.

Asplenium scolopendrium talus

Asplenium scolopendrium et Polypodium vulgare en bord de rivière.

Asplenium scolopendrium et Polypodium vulgare

Polypodium vulgare en épiphyte sur une branche au dessus de l’eau.

Polypodium vulgare épiphyte

Mousse et lichen sont omniprésents, recouvrant entièrement la moindre branche.

mousse

Vue rapprochée de la ‘dentelle’.

Le sous-bois regorge de beaux sujets de Polystichum setiferum qui y trouvent toute l’humidité dont ils ont besoin. Polystichum setiferum est une fougère habituée des vallons et ravins encaissés ainsi que des bords de ruisseaux, recherchant l’ombre, la fraîcheur et une forte humidité atmosphérique. Il faut dire qu’ici  ces conditions sont parfaitement réunies.

Polystichum setiferum

Autre habitante du sous bois, Aconitum lycoctonum subsp. vulparia autrement dit,  aconit tue- loup.

Aconitum lycoctonum subsp; vulparia

Un sujet d’ Asplenium scolopendrium, impressionnant par sa taille, se détachant sur un tapis de mousse.

Asplenium scolopendrium

Et pour finir, le secret de cette exubérance, la vapeur d’eau qui se condense sous forme de fines gouttelettes retombant sur les troncs moussus. L’humidité était si importante que nous avions les bras moites.

eau

Enfin, j’ai oublié de le mentionner, mais la forêt abrite de nombreux buis d’âge respectable  qui donnent une ombre dense. Cette pénombre renforce le côté mystérieux du lieu aussi appelé Gourgue aux fées et aux brouches qui sont des sorcières. Un endroit magique et ensorcelant !

Fougères au Pays Basque

Dimanche 4 septembre 2011

Avec un nombre de 61 espèces sur un total de 116 répertoriées sur l’ensemble du territoire français, les Pyrénées Atlantiques apparaissent comme l’un des départements les plus riches en Ptéridophytes.
Les facteurs qui vont conditionner l’implantation de ces plantes sont pour une part liés au climat, et de l’autre liés aux conditions écologiques locales.
Dès lors on comprendra aisément que le Pays Basque avec un climat océanique doux et humide qui se traduit par un faible nombre de jours de gel pendant l’année, une pluviométrie assez importante et une bonne humidité atmosphérique, se montre favorable au développement des fougères.
Si on ajoute à ces facteurs climatiques des conditions écologiques variées, liées à la proximité de l’océan et de la montagne, on peut s’attendre à une certaine richesse en espèces.

Je vous propose donc de partir à la rencontre de quelques fougères dans leur habitat naturel, présentation qui n’a bien sûr rien d’exhaustif, et qui se limite à ce que j’ai pu observer lors de mes promenades entre Anglet et la forêt d’ Urrugne.

Comment ne pas commencer par l’omniprésente, et il faut bien le dire lassante fougère aigle, Pteridium aquilinum, qui avec les bruyères et les ajoncs, nous accompagne tout le long de la route des vacances depuis le département des Landes ? La voici prise dans la forêt d’ Urrugne où sur ces sols siliceux elle règne en maîtresse incontestée. Si les peuplements tendent à être plus clairsemés en sous bois, ils sont beaucoup plus denses avec des frondes plus grandes sur les flancs de collines dépourvus d’arbres car la fougère aigle recherche la lumière. Par le passé elle était récoltée pour servir de litière aux animaux.
Pteridium aquilinum

Passons à des choses plus intéressantes avec les palmiers qui sont présents dans presque tous les jardins, en particulier l’espèce  Phoenix canariensis . En se rapprochant on s’aperçoit que leur tronc recèlent quelques surprises. En effet à la base des anciens stipes de la matière organique s’accumule. En présence d’une bonne humidité la germination des spores est assurée et l’ambiance tropicale garantie ! Voici un exemplaire de Cyrtomium falcatum qui, rappelons le est une fougère originaire de l’Asie du Sud Est. Les spores proviennent probablement d’une plante présente dans le voisinage. D’après l’ouvrage de Rémi Prelli , Fougères et Plantes alliées de France et d’Europe Occidentale, elle semblerait en expansion sur  le littoral basque, sa présence ici n’a donc rien de surprenant.
Cyrtomium falcatum

Sur le même tronc, un peu plus bas on notera la présence un peu inattendue de Asplenium adiantum-nigrum que l’on est plus habitué à voir coloniser les murs , ce qui atteste  de son adaptabilité à des situations écologiques variées.
Asplenium adiantum-nigrum

Sur le tronc d’un autre palmier, un beau trio comportant Dryopteris affinis à gauche, Asplenium scolopendrium à droite et Dryopteris dilatata en bas.



Dryopteris affinis, Asplenium scolopendrium, Dryopteris dilatata

Changeons d’habitat pour nous intéresser aux murs et aux petites fougères saxicoles qui les habitent.

La rue des murailles, Asplenium ruta-muraria, semble assez fréquente au Pays Basque. Elle se développe principalement en milieu calcaire et ce joint de mortier lui convient parfaitement.

Asplenium ruta-muraria

La capillaire des murailles, Asplenium trichomanes, affectionne les vieux murs, comme ici sur l’église d’Arcangues.
Asplenium trichomanes

Revoici  Asplenium adiantum – nigrum dans une fissure de mur.
Asplenium adiantum-nigrum

En bord de mer, sur les falaises comme ici à Anglet, on peut admirer d’importants peuplements de la délicate capillaire de Montpellier, Adiantum capillus-veneris.
Adiantum capillus-veneris

Un écoulement permanent d’eau  apporte la fraîcheur et l’humidité qui  sont indispensables à son établissement. Ce filet d’eau que je pensais provenir d’une source était en réalité  un écoulement d’eaux usées comme l’attestait la présence d’une canalisation située plus en hauteur ! Mais les plantes ne semblaient apparemment pas en souffrir.

Quelques plans plus rapprochés
Adiantum capillus-veneris

Ici en compagnie de la prêle
Adiantum capillus-veneris

Toujours à Anglet, mais cette fois ci sur un talus le long d’un ruisseau, dans des conditions très humides et ombragées, en écartant les branchages on découvre Asplenium scolopendrium dont la présence témoigne d’un sol plus ou moins calcaire.



Asplenium scolopendrium

Retournons dans la forêt d’ Urrugne découvrir d’autres fougères que la fougère aigle. Témoin d’un sol siliceux dépourvu de calcaire, Blechnum spicant, est très présent ici, poussant le long des fossés dans une terre très argileuse et détrempée. J’ai été assez surprise de  voir cette fougère  se plaire à ce point dans de l’argile presque pure alors que dans ma terre très humifère  et neutre elle  se comporte mal et dépérit, je comprends mieux à présent la cause de cet échec !
Blechnum spicant

Dryopteris dilatata sur un talus. A noter qu’il s’agit aussi d’une espèce appréciant les sols acides.
Dryopteris dilatata

Toujours au même endroit, une espèce de sol modérément acide qui recherche les lieux humides et ombragés, la fougère femelle, Athyrium filix-femina.
Athyrium filix-femina

Toujours en bordure de fossé dans une terre fortement argileuse et détrempée pousse l’osmonde royale, Osmunda regalis , qui s’avère être aussi une espèce de sol acide. A noter en arrière plan l’abondance de jeunes fougères.
Osmuda regalis

Une concentration exceptionnelle de prothalles  au milieu des hépatiques. Les hépatiques  appartiennent au groupe des  bryophytes qui possèdent un mode de reproduction sexué  assez similaire à celui des ptéridophytes et lui aussi dépendant d’une certaine humidité.
prothalles

Enfin terminons par le spectacle inattendu de ces polypodes perchés sur les chênes.
Polypodes

La distinction entre Polypodium vulgare et Polypodium interjectum s’avère parfois difficile et requiert l’examen microscopique des spores. Toutefois Polypodium vulgare se distingue de Polypodium interjectum par des frondes de forme plus linéaire et étroite, alors qu’elles sont de forme plus ovale chez ce dernier, et des sores plus petits, tandis qu’ils sont plus gros et de forme plus allongée chez Polypodium interjectum. Il semblerait que les deux espèces soient présentes dans la forêt d’ Urrugne.

Ici nous sommes probablement en présence de Polypodium interjectum avec des frondes de forme nettement ovale et de gros sores.
Polypodium interjectum

Ce mode de vie épiphyte n’est pas sans rappeler certains polypodes tropicaux.
polypode épiphyte

Curieusement je n’ai vu aucun polypode poussant au sol, sur les talus  ou entre les roches dans la forêt d’ Urrugne. Il faut croire que ce mode de vie leur est particulièrement favorable. En tout cas il les met à l’abri de la concurrence des autres végétaux et du bétail, vaches et chevaux, qui se déplace  librement dans la forêt.

Ce que l’on peut retenir de tout cela, c’est que la présence d’une plante à un emplacement donné n’est jamais due au hasard, mais au contraire liée à de multiples facteurs dont le jardinier devra tenir compte afin  de mettre toutes les chances de réussite  de son côté.

La toxicité de la fougère aigle (Pteridium aquilinum)

Vendredi 25 avril 2008

La fougère aigle (Pteridium aquilinum) est la seule représentante du genre Pteridium.

Cette plante extrêmement invasive, à la répartition cosmopolite, est la plus commune de toutes les plantes vasculaires. A tel point qu’autrefois on croyait que toutes les fougères aigles rencontrées dans le monde provenaient d’une unique plante mère qui aurait étendu ses rhizomes souterrains par delà les continents !

Cette croyance populaire illustre bien l’agressivité de la plante qui est un fléau redouté par les éleveurs dans les pâturages, bien qu’elle ait pu être utilisée dans certaines régions comme litière, une fois séchée.

La fougère aigle est toxique pour l’homme, le bétail et les insectes.

Des études ont montré sa forte toxicité, en particulier des effets carcinogènes, attestés par une fréquence accrue de cas de cancers de l’estomac chez les populations consommant des crosses de fougère aigle bouillies comme légume, comme c’est le cas en Asie et au Japon.

Il semblerait toutefois que ce type d’affection soit plus rarement rencontré chez les populations indiennes d’Amérique du Nord, peut être à cause du mode de consommation différent qui réduirait la toxicité. Les rhizomes sont en effet transformés en farine après séchage et torréfaction.

Quoi qu’il en soit, la consommation de fougère aigle, sous n’importe quelque forme, est fortement déconseillée !

Sa réputation comme insecticide n’est pas usurpée car elle possède plusieurs armes chimiques. Elle contient une hormone qui déclenche chez les insectes une mue prématurée conduisant rapidement à leur mort . Et comme si cela n’était pas encore suffisant, elle est capable de produire localement de l’acide cyanhydrique si un insecte vient à grignoter une de ses feuilles.

Plus étonnant encore, la fougère aigle est aussi toxique pour les autres plantes. Ce phénomène appelé allélopathie expliquerait son incroyable succès écologique. En effet, en se décomposant les frondes libèrent des substances chimiques qui empêchent la germination des autres plantes, la préservant ainsi de toute concurrence.

Cette toxicité était déjà connue dans l’Antiquité puisque Pline disait que le meilleur moyen de détruire la plante consistait au printemps quand les nouvelles frondes se déploient, à les frapper avec un bâton, de façon à casser les rachis pour que la sève s’écoule et tue les rhizomes.

Cette hypothèse de l’auto toxicité de la plante semble confirmée par l’observation de vastes peuplements de fougère aigle qui, après de nombreuses années, semblent dégénérer et disparaitre spontanément.

On a également observé depuis quelques décennies une baisse notable de la production de spores, au point que de nombreux peuplements de fougère aigle soient à présent stériles. Il est probable qu’avec un tel arsenal chimique et autant de moyens d’assurer sa pérennité la plante ressente moins le besoin de consacrer de l’énergie dans la production de spores.