Fougères au Pays Basque
Dimanche 4 septembre 2011Avec un nombre de 61 espèces sur un total de 116 répertoriées sur l’ensemble du territoire français, les Pyrénées Atlantiques apparaissent comme l’un des départements les plus riches en Ptéridophytes.
Les facteurs qui vont conditionner l’implantation de ces plantes sont pour une part liés au climat, et de l’autre liés aux conditions écologiques locales.
Dès lors on comprendra aisément que le Pays Basque avec un climat océanique doux et humide qui se traduit par un faible nombre de jours de gel pendant l’année, une pluviométrie assez importante et une bonne humidité atmosphérique, se montre favorable au développement des fougères.
Si on ajoute à ces facteurs climatiques des conditions écologiques variées, liées à la proximité de l’océan et de la montagne, on peut s’attendre à une certaine richesse en espèces.
Je vous propose donc de partir à la rencontre de quelques fougères dans leur habitat naturel, présentation qui n’a bien sûr rien d’exhaustif, et qui se limite à ce que j’ai pu observer lors de mes promenades entre Anglet et la forêt d’ Urrugne.
Comment ne pas commencer par l’omniprésente, et il faut bien le dire lassante fougère aigle, Pteridium aquilinum, qui avec les bruyères et les ajoncs, nous accompagne tout le long de la route des vacances depuis le département des Landes ? La voici prise dans la forêt d’ Urrugne où sur ces sols siliceux elle règne en maîtresse incontestée. Si les peuplements tendent à être plus clairsemés en sous bois, ils sont beaucoup plus denses avec des frondes plus grandes sur les flancs de collines dépourvus d’arbres car la fougère aigle recherche la lumière. Par le passé elle était récoltée pour servir de litière aux animaux.
Passons à des choses plus intéressantes avec les palmiers qui sont présents dans presque tous les jardins, en particulier l’espèce Phoenix canariensis . En se rapprochant on s’aperçoit que leur tronc recèlent quelques surprises. En effet à la base des anciens stipes de la matière organique s’accumule. En présence d’une bonne humidité la germination des spores est assurée et l’ambiance tropicale garantie ! Voici un exemplaire de Cyrtomium falcatum qui, rappelons le est une fougère originaire de l’Asie du Sud Est. Les spores proviennent probablement d’une plante présente dans le voisinage. D’après l’ouvrage de Rémi Prelli , Fougères et Plantes alliées de France et d’Europe Occidentale, elle semblerait en expansion sur le littoral basque, sa présence ici n’a donc rien de surprenant.
Sur le même tronc, un peu plus bas on notera la présence un peu inattendue de Asplenium adiantum-nigrum que l’on est plus habitué à voir coloniser les murs , ce qui atteste de son adaptabilité à des situations écologiques variées.
Sur le tronc d’un autre palmier, un beau trio comportant Dryopteris affinis à gauche, Asplenium scolopendrium à droite et Dryopteris dilatata en bas.
Changeons d’habitat pour nous intéresser aux murs et aux petites fougères saxicoles qui les habitent.
La rue des murailles, Asplenium ruta-muraria, semble assez fréquente au Pays Basque. Elle se développe principalement en milieu calcaire et ce joint de mortier lui convient parfaitement.
La capillaire des murailles, Asplenium trichomanes, affectionne les vieux murs, comme ici sur l’église d’Arcangues.
Revoici Asplenium adiantum – nigrum dans une fissure de mur.
En bord de mer, sur les falaises comme ici à Anglet, on peut admirer d’importants peuplements de la délicate capillaire de Montpellier, Adiantum capillus-veneris.
Un écoulement permanent d’eau apporte la fraîcheur et l’humidité qui sont indispensables à son établissement. Ce filet d’eau que je pensais provenir d’une source était en réalité un écoulement d’eaux usées comme l’attestait la présence d’une canalisation située plus en hauteur ! Mais les plantes ne semblaient apparemment pas en souffrir.
Quelques plans plus rapprochés
Ici en compagnie de la prêle
Toujours à Anglet, mais cette fois ci sur un talus le long d’un ruisseau, dans des conditions très humides et ombragées, en écartant les branchages on découvre Asplenium scolopendrium dont la présence témoigne d’un sol plus ou moins calcaire.
Retournons dans la forêt d’ Urrugne découvrir d’autres fougères que la fougère aigle. Témoin d’un sol siliceux dépourvu de calcaire, Blechnum spicant, est très présent ici, poussant le long des fossés dans une terre très argileuse et détrempée. J’ai été assez surprise de voir cette fougère se plaire à ce point dans de l’argile presque pure alors que dans ma terre très humifère et neutre elle se comporte mal et dépérit, je comprends mieux à présent la cause de cet échec !
Dryopteris dilatata sur un talus. A noter qu’il s’agit aussi d’une espèce appréciant les sols acides.
Toujours au même endroit, une espèce de sol modérément acide qui recherche les lieux humides et ombragés, la fougère femelle, Athyrium filix-femina.
Toujours en bordure de fossé dans une terre fortement argileuse et détrempée pousse l’osmonde royale, Osmunda regalis , qui s’avère être aussi une espèce de sol acide. A noter en arrière plan l’abondance de jeunes fougères.
Une concentration exceptionnelle de prothalles au milieu des hépatiques. Les hépatiques appartiennent au groupe des bryophytes qui possèdent un mode de reproduction sexué assez similaire à celui des ptéridophytes et lui aussi dépendant d’une certaine humidité.
Enfin terminons par le spectacle inattendu de ces polypodes perchés sur les chênes.
La distinction entre Polypodium vulgare et Polypodium interjectum s’avère parfois difficile et requiert l’examen microscopique des spores. Toutefois Polypodium vulgare se distingue de Polypodium interjectum par des frondes de forme plus linéaire et étroite, alors qu’elles sont de forme plus ovale chez ce dernier, et des sores plus petits, tandis qu’ils sont plus gros et de forme plus allongée chez Polypodium interjectum. Il semblerait que les deux espèces soient présentes dans la forêt d’ Urrugne.
Ici nous sommes probablement en présence de Polypodium interjectum avec des frondes de forme nettement ovale et de gros sores.
Ce mode de vie épiphyte n’est pas sans rappeler certains polypodes tropicaux.
Curieusement je n’ai vu aucun polypode poussant au sol, sur les talus ou entre les roches dans la forêt d’ Urrugne. Il faut croire que ce mode de vie leur est particulièrement favorable. En tout cas il les met à l’abri de la concurrence des autres végétaux et du bétail, vaches et chevaux, qui se déplace librement dans la forêt.
Ce que l’on peut retenir de tout cela, c’est que la présence d’une plante à un emplacement donné n’est jamais due au hasard, mais au contraire liée à de multiples facteurs dont le jardinier devra tenir compte afin de mettre toutes les chances de réussite de son côté.